
Dans un contexte incertain, l’approche stoïcienne appliquée au management privilégie l’attention portée à son état intérieur tout en prenant en compte les éléments extérieurs sur lesquels on n’a pas d’emprise. Cette perspective aide les responsables à faire face avec une certaine stabilité, en tenant compte du groupe et des besoins de chacun.
Comprendre le stoïcisme en management
Le stoïcisme est une école de pensée créée par Zénon de Citium au IIIe siècle av. J.-C. Elle repose principalement sur la séparation entre ce qui est en notre pouvoir (pensées, intentions, réactions) et ce qui ne l’est pas (événements extérieurs, décisions des autres, évolutions du contexte économique). Cette forme de philosophie a, au fil du temps, inspiré bon nombre de leaders, y compris dans des environnements professionnels instables.
En matière de gouvernance, cette distinction permet aux décisionnaires de se concentrer sur les éléments sur lesquels ils peuvent agir. Il s’agit de favoriser le calme et la réflexion, sans négliger les contextes extérieurs. Prendre appui sur le courant stoïcien, c’est s’engager dans un travail quotidien sur soi, visant à acquérir une capacité de discernement et une stabilité comportementale. Sénèque écrivait ainsi : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles. »
Les textes de Sénèque et d’Épictète placent la vertu au centre du comportement responsable : intégrité, courage dans l’action, sens de l’équité et modération. Un responsable influencé par ces valeurs cherche à garder son sang-froid, à faire preuve d’équilibre face aux aléas, et à développer une résistance naturelle aux pressions. Cet état d’esprit se construit progressivement, via une attention constante à ses états mentaux et comportementaux, ainsi qu’à travers les enseignements tirés des expériences vécues, y compris les contretemps.
Traduction des principes stoïciens en pratiques managériales
L’inspiration stoïcienne dans le cadre collectif ne se cantonne pas à une orientation théorique. Elle implique également des comportements observables, même dans des environnements marqués par des perturbations importantes comme les crises opérationnelles ou les ruptures stratégiques.
Prise de décision rapide et cohérente
Dans des contextes mouvants, le gestionnaire influencé par le stoïcisme cherche à arbitrer rapidement, mais avec méthode. Il privilégie la clarté mentale et s’efforce de hiérarchiser les éléments à considérer. Cette démarche, ancrée dans une réflexion continue sur ses propres principes, permet de mieux gérer la fatigue décisionnelle et d’éviter les choix impulsifs. Il ne s’agit pas de viser la certitude absolue, mais d’agir selon des critères raisonnés.
Gestion du stress et de l’anxiété
Le manque de visibilité génère souvent une appréhension diffuse au sein des équipes. Recourir à des moyens comme la pleine attention ou une meilleure compréhension des émotions peut aider à maintenir une certaine constance dans les interactions. Épictète le rappelle : observer ses émotions avec recul permet de les transformer en motivation. Cette compétence, bien que développée dans un contexte ancien, peut être actualisée grâce aux apports de la psychologie actuelle et à une pratique régulière.
Maintien de la cohésion d’équipe
Lorsqu’une organisation traverse une période déstabilisante, le collectif peut perdre en dynamisme. Une communication sincère, l’encouragement aux efforts réalisés et la solidarité jouent un rôle structurant. Le responsable, sans chercher à tout maîtriser, peut montrer une implication personnelle et rappeler les objectifs partagés. Cette posture, bien qu’exigeante, peut permettre de maintenir un lien social solide même pendant les phases de transformation ou de doute.
Ce schéma est détaillé dans la vidéo suivante qui explore différentes séquences pratiques liées à l’approche du management stoïcien :
Tableau comparatif des approches managériales en périodes de crise
Plusieurs situations récentes servent à mettre en perspective la manière dont certaines approches empreintes de stoïcisme ont été mobilisées :
| Période de crise | Défis rencontrés | Stratégies évoquées | Effets notés |
|---|---|---|---|
| Crise financière 2008 | Changements économiques soudains, perte de stabilité | Accent mis sur l’échange interne, acceptation de certaines pertes, recentrage sur la mission | Persistance du lien professionnel, souplesse progressive |
| Pandémie Covid-19 | Éloignement physique, réorganisation du travail, préoccupations accrues | Expérimentation de nouvelles approches de communication, soutien moral dans l’équipe | Adaptation des méthodes, renforcement de certaines relations professionnelles |
| Conflit Ukraine 2022 | Augmentation des coûts, instabilité logistique, contexte géopolitique incertain | Révision des priorités internes, collaboration accentuée, souplesse opérationnelle | Stabilité relative autour des objectifs, maintien des repères |
Témoignage d’un manager en période de crise
Responsable d’une entreprise de services numériques, Jean partage son expérience pendant la période de confinement liée au Covid-19 :
« Quand le confinement est tombé, j’ai rapidement compris que beaucoup d’éléments ne seraient pas sous mon contrôle. J’ai donc décidé de me concentrer sur les éléments concrets : la qualité de la communication avec l’équipe, l’écoute, et la recherche de solutions faisables. Chaque matin, je prenais quelques minutes pour réfléchir à la journée, essayer d’anticiper, accueillir les difficultés sans chercher à les fuir. Nous avons testé différents formats de réunion, introduit de petits moments de pause mentale, et mis en place des retours réguliers. On ne peut pas dire que tout a été facile, mais nous avons préservé un fonctionnement acceptable. Avec le recul, certains collaborateurs me disent avoir mieux cerné ce qui compte vraiment dans leur travail au quotidien. »
Application du management stoïcien
On peut commencer par remarquer les actes ou les comportements sur lesquels on peut réellement intervenir, sans tenter d’influencer ce qui échappe à notre portée. Il convient aussi de développer une présence attentive et des dialogues clairs avec les membres de l’équipe.
L’un des moyens est de prendre de la distance intérieure, sans les minimiser. Il est aussi possible d’adopter certaines pratiques visant à transformer ces tensions en initiatives utiles, en s’appuyant notamment sur la pleine attention.
Partager de manière honnête sur la situation, pointer les efforts déployés, et proposer des moments de coopération. La capacité à stabiliser le groupe peut renforcer le sentiment d’appartenance à une dynamique collective.
Émergence d’une attitude plus posée chez certains responsables, décisions pas toujours parfaites mais plus réfléchies, et parfois même fortification des liens pourtant éprouvés par les conditions de travail changeantes.
Ce n’est pas nécessairement spontané, mais cela peut s’apprendre avec de la pratique. La fréquentation des textes anciens, la mise en place de moments de réflexion, ou encore l’accompagnement ponctuel par des intervenants extérieurs peuvent y contribuer.
Le recours aux idées stoïciennes pour naviguer dans un environnement instable permet de replacer l’humain au centre des décisions. Cette approche, qui s’inscrit aussi dans un travail personnel, met l’accent sur une meilleure conscience de soi, une attention accrue à l’autre et un rapport modéré aux événements imprévus. C’est une voie possible pour garder le lien, construire des réponses adaptées et enrichir, au fil du temps, la culture d’équipe.
Sources de l’article
- https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/ressources-pedagogiques/notice/view/oai%253Aaunege.fr%253Aaunege-1299
- https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/ArchivePortailFP/www.fonction-publique.gouv.fr/manager-dans-lincertitude.html
- https://documentation.insp.gouv.fr/insp/doc/SYRACUSE/126876/manager-dans-l-incertitude-gestion-des-risques-maximum-jean-claude-serres?_lg=fr-FR